
Les servitudes de passage sont un contentieux abondant en justice ( Crédits photo: Shutterstock)
Saviez-vous qu'un simple chemin emprunté pendant trente ans peut devenir un véritable droit de passage ? Dans une affaire de voisinage, la justice rappelle que le temps peut transformer une habitude en obligation légale.
Tout commence par une histoire de voisinage, comme il en existe tant. Mme U possède un terrain en Gironde, mais ce terrain est « enclavé » : il n'a pas d'accès direct à la route. Pour sortir, elle utilise depuis longtemps un chemin qui traverse la propriété de ses voisines, Mmes M. Un jour, ces dernières s'y opposent et contestent ce passage. Mme U demande alors à la justice de reconnaître officiellement son droit à utiliser ce chemin.
Que dit la loi dans ces cas-là ?
En droit français, lorsqu'un terrain est enclavé, le propriétaire peut demander une « servitude de passage ». Autrement dit, il a le droit de passer sur le terrain d'un voisin pour rejoindre la route. En principe, l'article 684 du code civil précise que ce passage doit être demandé sur les terrains issus de la division initiale. Par exemple : si une grande propriété est divisée en deux, et que l'une des deux parcelles n'a plus d'accès à la voie publique, c'est l'autre parcelle issue de cette division qui doit supporter le passage.
Mais l'usage prolongé change tout
Or, dans l'affaire jugée, Mme U utilisait depuis plus de trente ans le chemin qui traversait le terrain des consorts M. La Cour de cassation rappelle une règle simple : un usage continu et incontesté pendant trente ans suffit à créer un droit. On parle de « prescription trentenaire ».
Autrement dit, même si le terrain traversé ne fait pas partie de la division d'origine, le long usage du chemin le transforme en servitude de passage.
Cette décision de la Cour de cassation montre que la pratique peut l'emporter sur la stricte loi. La justice privilégie ici la stabilité : si un chemin est utilisé depuis si longtemps, il devient injuste et irréaliste de l'interdire du jour au lendemain. Bien sûr, ce droit de passage ne signifie pas que le voisin n'a rien à dire : le propriétaire du terrain traversé peut demander une indemnisation pour compenser le désagrément.
Cet arrêt illustre un principe fondamental : laisser faire peut créer des droits. Un propriétaire qui tolère pendant trente ans le passage sur son terrain ne pourra plus revenir en arrière. À l'inverse, celui qui utilise un chemin pendant cette durée pourra demander à ce que son droit soit reconnu.
Source : Cour de cassation - 2 octobre 2025 - Pourvoi n° 24-12.678
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